Contribution d’Emmanuel Rivat à la programmation de Ludovia :
Merci pour ce mail et toutes mes excuses pour le temps de réponse.
C’est un très bel événement qui se prépare et je vais voir si je peux me libérer (j’avais malheureusement un autre plan en cours).
Il est difficile de donner un avis sur la labellisation des Tiers Lieux sans connaître le contexte, cette logique régionale questionne clairement la finalité de celui-ci (donner de la visibilité aux TL de la Région ou bien donner de la visibilité à la Région sur le sujet des TL ?) et sa pertinence (Un label est-il la meilleur façon de donner de la visibilité ? le régional est-elle la meilleure échelle de labelisation) ?
Pour ma part, je m’interroge sur la façon dont les expériences de Tiers-Lieux peut réellement se diffuser dans le temps et dans l’espace, et plus ou moins s’institutionnaliser. Je veux dire par là, que si le Tiers-Lieux est bien un mouvement en cours d’émergence, un espace de conception (Antoine) et un espace de construction/déconstruction de l’expertise (Mattei), comment peut-il (et doit-il) devenir un instrument de politique publique.
Contexte de la question
La logique Tiers-Lieux est pour le moment un mouvement encore naissant car:
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- un nouveau répertoire d’expérimentation a été généré par un petit nombre de pionniers qui n’utilisaient d’ailleurs pas toujours forcément le mot en tant que tel, qui prend des formes différentes à l’international
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- des réseaux d’acteurs s’organisent et se rencontrent au croisement de plusieurs secteurs
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- ils construisent une identité commune plus ou moins partagée.
Or tout mouvement, par la force de son succès, essaime et s’institutionnalise forcément dans le temps sous plusieurs angles (définition de normes de qualité, de référentiels de compétences, augmentation des besoins en ressource et donc des besoins en financement, tensions entre les promoteurs d’une conception “pure” de la chose et les promoteurs d’une approche souple, diluée, etc.).
Question théorique
Cette question pose notamment la question du changement d’échelle des Tiers-Lieux. Quatre modèles:
- Dissémination : on recense, on documente, et l’information circule comme elle peut, en fonction de canaux informels
- Essaimage souple : des structures s’organisent entre elles pour définir des principes communs, une charte, un… label
- Franchise : une structure permet à d’autres structures de monter des Tiers Lieux selon un arrangement juridique (et économique)
- Centralisation : une instance s’occupe à un moment de financement beaucoup de Tiers-lieux (par déconcentration ou décentralisation)
Cette grille de lecture pose tout de suite un dilemme : est-ce que les mouvements et les expérimentations Tiers-Lieux ont le pouvoir de transformer en profondeur les modalités de conception, de mise en oeuvre ou même d’évaluation des politiques publiques, ou bien est-ce que les politiques publiques (éducatives, etc.) n’ont-elles pas déjà commencé à codifier, formaliser, rigidifier, et donc limiter le champ des possibles des expériences Tiers-lieux?
Sur le sujet de l’atelier :
Une question principale: Comment diffuser réellement les initiatives réussies de Tiers Lieux, notamment au sein des politiques publiques ?
- Qui amène ensuite une première grande question: Qu’est ce qu’une expérimentation Tiers-Lieux réussie? Si oui, peut-on recenser les petites victoires actuelles des mouvements Tiers-Lieux ou bien au contraire, les premiers reculs, échecs, défaites ? Quels sont les gardefous pour faire vivre les expériences Tiers-Lieux dans le temps?
- Puis cette première question amène une deuxième grande question : Peut-on essaimer des expérimentations Tiers-Lieux réussies, notamment au sein de l’action publique ? Si oui, selon quel modèle (dissémination, centralisation, franchise?) Les succès des expériences Tiers-Lieux sont-elles diffusables dans le temps et l’espace, ou bien ne peut-on compter que sur la dissémination de la documentation dans l’air du temps ?
Tout cela est dit un peu rapidement, mais j’aurai plaisir à en discuter d’ici août.